une homme et une femme dans la zone rouge

Se mettre constamment dans la zone rouge est contre productif

se mettre dans la zone rouge est contre-productif

Durant les débuts du CrossFit, aller chercher la zone rouge, c’est-à-dire quand vous vous sentez HS, que vous ne voyez plus droit. Cette zone rouge était un peu synonyme de fierté.

Vous vous souvenez du t-shirt Pukie le Clown ? C’était la mascotte de CrossFit. Un clown déglingué qui vomissait par terre. C’est comme ça qu’on se représentait le CrossFit à l’époque.

La manière dont CrossFit programmait chaque jour encourageait à ce que ce soit un jour de test maximal. Pour certains, chaque jour, était une compétition.

Des éléments comme les EMOMs, la programmation basée sur les pourcentages ou l’entraînement sur la fatigue perçue était inconnus du CrossFitter moyen de 2002 à 2010. Au lieu de ça ceux qui suivaient le site CrossFit.com étaient poussés à se tester au maximum de leurs capacités chaque jour. 

Comme conséquence, cette manière de faire a été et continue de l’être, une croyance qui fait penser que de se tester tous les jours et d’aller chercher la zone rouge tous les jours est le seul moyen d’augmenter ses performances.

Pour mieux se rendre compte, imaginez-vous, si tous les jours, les footballers pro s’entraînaient de la même manière qu’ils jouaient leur match ? Si un gymnaste arrêtait de s’entraîner 5 ou 6 heures par jour, 6 fois par semaine et remplaçait ça par une compétition quotidienne ? Ou s’il faisait une routine sur chaque agrès et qu’on lui donnait un score ? L’idée est presque comique si on essaye de s’imaginer que cette équipe de foot ou ce gymnaste pourraient gagner quoi que ce soit.

Ce que je veux dire par là, c’est que, dans n’importe quel autre sport, les athlètes s’entraînent beaucoup plus qu’ils ne font de compétition pour une raison : s’entraîner plutôt que se tester, c’est là que l’amélioration est obtenue. Les compétitions ne servent qu’à la constater, les marquer dans le temps. Pourquoi, ce serait différent avec le CrossFit ? C’est simple, ça ne l’est pas.

En fait, Caroline Lambray, propriétaire de longue date de l’affiliée CrossFit Wonderland à Montréal et le coach de Jeff Adler (athlète des Games) disent que la principale raison du dépassement des limites ou d’aller chercher la zone rouge dans un entraînement est pour le shoot d’adrénaline, mais ça ne permet pas l’amélioration de la performance à long terme.

« Je pense que le plus grand bénéfice de se pousser au max est le but de se sentir vraiment bien et plutôt fier de soi.» Dit Lambray

Quoi qu’il en soit, ironiquement, faire de chaque jour un test maximal (ou comment se bousiller même si on se sent fier de son effort) est l’une des raisons principales pour laquelle les gens tombent amoureux du CrossFit.

Alors comment faire ? Doit-on souvent aller chercher cette zone rouge ?

Quand on demande à Lambray à quel point, elle demande à ses athlètes habituels d’aller chercher leur zone rouge, elle rit et répond : « Je ne le fais pas. Jamais. »

Ça ne veut pas dire qu’elle ne teste pas régulièrement leur progrès, mais si quelqu’un est dans la zone rouge, alors que ce n’est pas officiellement un jour de max, alors ça signifie qu’il s’est probablement mal géré durant l’entraînement explique-t-elle.

Ça arrive souvent avec le manque d’expérience. Les nouveaux athlètes se mettent dans le rouge involontairement, mais c’est simplement parce qu’ils ont mal géré leur effort. « Ce n’est pas ce que je leur demande, au contraire, l’idée, c’est d’être capable de tenir une cadence juste sous cette ligne rouge. C’est ça qui donne le plus de résultats. » Dit-elle.

Elle aime le concept qui consiste à s’imaginer une voiture sur régulateur de vitesse et comment ce rythme légèrement plus lent, mais qu’on tient plus longtemps produit les meilleurs résultats dans le temps. Ce sera une session plus cool, meilleure et finalement plus rapide que si tu avais gardé la pédale d’accélérateur enfoncée comme un fou pour freiner, pour ré-accelerer comme un fou, re freiner et recommencer encore et encore.

En d’autres mots, si tu finis par voir flou durant un entraînement, tu finiras forcément par être plus lent.

De la même manière, James Mc Dermott, un coach avec 10 ans d’expérience à Albany CrossFit dit qu’il teste ses athlètes régulièrement, mais il veut qu’ils se mettent dans le rouge seulement environ 5 % du temps. Souvent moins, tout dépend du but de chacun.

« Un athlète qui vient pour perdre du poids, se sentir bien, avoir la forme pour jouer avec ses enfants a juste besoin d’un bon entraînement… »

Qu’en est-il des clients qui veulent une destruction en règle tous les jours ?

Bien qu’il y ai une envie du coach de freiner un client qui veut se pousser au max tous les jours, Michael Bann- Un coach avec 13 années d’expérience dans l’individualisation de programmes de CrossFit- dit que ça crée souvent l’effet inverse. À la place, c’est souvent plus productif de laisser le client faire ses propres erreurs que de prêcher dans le vent. Il entend souvent des coachs dire : « Les membres doivent tout simplement faire ce que le coach leur dit. »

Il y a trop d’égo là-dedans, ça tue notre image auprès du grand public et ça nous fait perdre du monde.

Pour les membres qui veulent se mettre à l’envers tous les jours, il leur dit sur un ton narquois : « C’est parti, allez, on essaye ! Et… On voit ce qu’il se passe ok ? »

Il trouve que ça ressemble un peu à une conversation avec un enfant : « Ne touche pas le poêle à bois, tu vas te brûler ! Ne touche pas le poêle à bois, tu vas te brûler ! » Même si le parent utilise un avertissement utile, malheureusement l’enfant apprendra réellement qu’il ne faut pas le toucher en… Le touchant ! Évidemment pour aller plus vite vous n’allez pas leur prendre la main pour l’appuyer sur le poêle pour qu’ils souffrent au point de les brûler au troisième degré. Mais en les prévenant vous leur donner la possibilité de comprendre très vite qu’il faut retirer sa main avant qu’elle ne touche la paroi. « Oula ça à l’air super chaud, ok, il ne faut pas que je touche le poêle »

L’approche de Lambray est similaire. Elle programme bien des benchmark régulièrement, mais ils sont stratégiquement positionnés dans la programmation et ne sont pas là pour détruire ses athlètes pendant 2-3 jours.

Cela dit, elle reconnaît que certaines personnes veulent se pousser plus loin. « On dirait que ce genre de personne a besoin de se taper la tête un nombre de fois incalculables avant de comprendre l’idée que… le mur est plus costaud que ta tête et qu’on a inventé un autre moyen de passer au travers. »

Également, Lambray dit qu’il est important de comprendre pourquoi ce client vient dans la Box et pourquoi il veut finir explosé à chaque fois. Il y a des gens dont le seul but est de relâcher la pression de la journée. Ça leur permet de mettre de côté tous les problèmes qu’ils ont dans leur vie.

Il est probable que ce soit la sensation qu’ils souhaitent quand ils viennent vous voir au tout début. Si tu es conscient de ça en tant que coach alors tu ne leur rends pas service parce que c’est littéralement le but de l’entraînement pour eux. Finir EXPLOSES. Ils n’évolueront pas puisqu’ils manqueront systématiquement le stimulus prévu. Malgré tout, elle les laisse quand même finir dans une flaque de sueur.

Je pense que vous avez juste à avoir une ou deux conversations avec eux pour comprendre pourquoi ils font ça. De cette manière, il est plus simple pour vous de les guider. (vers une autre façon de faire)

Comme pour Mc Dermott. Il pense que les amoureux de la zone rouge sont une opportunité de coaching. Un dingue de la zone rouge est une super façon de coacher quelqu’un qui serait fan de s’entraîner encore plus sérieusement que les autres dit-il.

Il ajoute que c’est important de rediriger l’énergie de ce genre de personnes dans des choses de plus productives. Expliquez-lui que se mettre dans le rouge constamment diminue l’intérêt de l’entraînement et peut mener à des blessures. Aidez-les à travailler sur leurs faiblesses durant les skills et faire plus d’effort sur leur nutrition et leur récupération.

Qu’en est-il du RPE ?

Guider les gens sur du RPE (Rate of Perceved Exertion, taux de fatigue ressentie) pourrait être une bonne idée afin de leur éviter d’aller chercher un effort trop important et de rater le stimulus voulu, mais il dit que c’est important de faire attention en l’utilisant. Les novices n’ont strictement aucune idée de ce que représente leur effort sur une échelle de 1 à 10. Alors avant que Bann n’utilise cette échelle, il a besoin de connaître le client afin d’être sûr de quel nombre il est. De plus, le RPE peut être souvent mal perçu sur des mouvements que les gens détestent ou dont ils ont peur. Quelque’un, qui s’est déjà fait mal au dos, pourrait être effrayé de faire du Deadlift alors il est compliqué pour eux de se rendre compte si c’est vraiment si dur.

Lambray et Mc Dermott disent tous les deux qu’il réussissent mieux en guidant leurs clients sur la bonne intensité et en expliquant comment l’entraînement doit être ressenti ou en leur donnant des indications sur le nombre de répétitions ou de séries qu’ils doivent viser.

Si on reste sur le sujet des personnes voulant finir explosés chaque jour : 

Lambray leur demande de réfléchir à leur longévité.

« Ma vision du CrossFit… c’est que ce n’est pas une mode ou une tendance. C’est quelque chose que je veux continuer à faire le restant de mes jours et si tu ne considères pas la pratique comme une course de fond tu brûleras tout simplement la chapelle aux deux bouts.»

Je pense que l’intensité, c’est aussi réussir à durer dans la discipline le plus longtemps possible ? Combien d’entre nous font encore du CrossFit au bout de 10 ans ? Ça aussi, c’est une mesure d’intensité. Combien de temps tu vas tenir le rythme ? Je tiens le rythme et ça fait partie de mes habitudes depuis très longtemps. Il n’est pas question d’un seul entraînement, il ne s’agit pas seulement de ce que je fais aujourd’hui, mais dans quel état je serai à 60, 70, 80 ans. »

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